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-- Commune Passion

Vendre le domaine public avant de l’avoir désaffecté, ou comment les collectivités peuvent s’affranchir de la rigueur fabuliste

Pour le lecteur avide de fables, celle de l’ours et des deux compagnons se résume à sa leçon légèrement transformée, qui veut qu’on ne vende jamais la peau de l’ours avant de l’avoir tué.

La loi jusqu’à présent interdisait aux collectivités locales – tout comme « les deux compagnons pressés d’argent [qui] à leur voisin fourreur vendirent la peau d’un ours encor vivant » – de céder une dépendance du domaine public qui ne soit pas encore désaffectée, puis déclassée.

Le principe, fort ancien en droit, préservait notamment les collectivités d’une vente précipitée du domaine pour renflouer une comptabilité publique malmenée, pour les communes, départements ou régions « pressés d’argent ».

Ainsi, il appartenait à la collectivité de justifier de l’inutilisation de la dépendance domaniale pour en constater la désaffectation, puis délibérer aux ns de la déclasser du domaine public ; en n entrée dans le domaine privé, la collectivité pouvait à sa guise la céder, sans obligation de procéder à une mise en concurrence sous la forme, par exemple, d’une adjudication, même si cette pratique demeure répandue.

Reste la situation complexe, en des temps de rareté des ressources publiques, qui contraint par exemple à financer la construction d’une nouvelle école, puis à emménager une fois les travaux accomplis, pour enfin pouvoir justifier d’une désaffectation – l’école n’étant plus occupée – permettant de prononcer le déclassement puis de mettre en vente les biens.

Le bon sens a saisi le gouvernement qui a modifié l’article L2141-2 du Code général de la propriété des personnes publiques à l’occasion d’une ordonnance n°2017-562 du 19 avril 2017 relative à la propriété des personnes publiques.

Pourtant, lors d’une réponse ministérielle récente2 , Monsieur Manuel Vals alors Ministre de l’Intérieur rappelait que le dispositif ancien devait être appliqué dans des conditions restrictives puisqu’on « ne saurait permettre, de manière générale, la vente d’un bien appartenant au domaine public sans aucune désaffectation, au risque de remettre en cause les principes fondamentaux protecteurs du domaine public. »

Toutefois, l’État s’autorisait ce type de dérogation pour ses propres biens, tout comme les établissements publics hospitaliers.

Seules les collectivités se trouvaient cantonnées à la successive désaffectation puis déclassement, ou condamnées à respecter une période où le bien était parfois rendu inutilisable artificiellement…

La récente ordonnance ouvre la voie d’un montage laissant la collectivité libre de l’ordre de succession des différentes étapes.

Il est dorénavant admis que les trois temps ne sont plus seulement : désaffectation -> déclassement -> cession.

• Il peut y avoir déclassement -> cession -> désaffectation.

• Ou même déclassement -> promesse de vente -> désaffectation -> cession.

Reprenant notre exemple, la commune peut céder l’école avant même d’avoir lancé la construction de la nouvelle, avec comme conditions réciproques de la vente :

• Que l’école resterait affectée à son usage pendant au
plus trois ans après la vente, voire même six ans dans le cas « d’une opération de construction, restauration ou réaménagement » ; le texte ajoute que c’est lors de l’acte de vente que seront établies les clauses garantissant la continuité du service public scolaire.

• En contrepartie, l’acte de vente doit stipuler que la vente serait résolue de plein droit si la désaffectation de l’école n’intervenait pas dans ce délai.

En conclusion, si ce schéma présente un grand intérêt pour les collectivités, pour autant elles doivent établir pour cela une étude d’impact pluriannuelle tenant compte de l’aléa, et prendre une délibération motivée de l’organe délibérant qui en limite l’intérêt à des opérations appropriées.

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